Redécouverte du geste vocal des Répons grégoriens des Ténèbres
- Denis Cardinaux (Vienne, Autriche) – chant
- Jean Delobel (Toulon) – chant
- Lionel Desmeules (Suisse) – chant
- Geoffroy Dudouit (Poitiers) – chant
- François Nolle (La Bénisson-Dieu, Loire) – chant
- Damien Poisblaud (La Bénisson-Dieu, Loire) – chef de chœur
- Frédéric Richard (Paris) – chant
- Patrick Sabatier (Toulon La Garde, 83) – chant
- Nicolas Vinçotte (Aix -en-Provence) – chant
2 SESSIONS DE RÉSIDENCE ET CRÉATION / NOVEMBRE 2022 ET MAI 2023
Les Chantres du Thoronet
Le groupe des Chantres du Thoronet s’applique à l’étude des premiers manuscrits de l’époque carolingienne, ainsi qu’aux pratiques vocales plus récentes, comme le « faux-bourdon ». Il participe aux travaux de recherche entrepris depuis plusieurs décennies sur les monodies liturgiques latines et propose une exécution appuyée sur les connaissances musicologiques et sémiographiques actuelles. D’un point de vue stylistique, Les Chantres du Thoronet travaillent à redécouvrir la vocalité propre au chant d’église.
Il se réunit régulièrement pour préparer ses nouveaux programmes de concerts autour du chant grégorien, dont plus d’une douzaine déjà produits, enregistrés sur CD pour certains d’entre eux (cf. discographie, onglet Présentation du site Le Chant Grégorien).
La tâche est bien sûr immense puisqu’il s’agit de retrouver l’exécution plausible d’un chant plus que millénaire et dont l’Occident moderne a perdu la clef. Du geste vocal originel aux gammes non-tempérées ou de l’art de l’ornementation à une lecture vivante des manuscrits du Xe siècle, les chanteurs doivent apprendre à tout interroger. L’urgence dans laquelle se trouvent les groupes préparant un concert ne permet généralement pas de mener un tel travail de fond, pourtant ici nécessaire. Les Chantres du Thoronet ont su se mobiliser depuis des années autour de ce travail musical et vocal.
Le programme
1) Les pièces au programme : Les Répons de l’office des Ténèbres
On connaît les Leçons de Ténèbres de Charpentier, de Chabert ou de Couperin par exemple.
Ces leçons – connues aussi sous le nom de Lamentations de Jérémie – sont issues de l’Office des Matines des trois jours saints (Jeudi, Vendredi et Samedi), Matines appelées Ténèbres en raison de l’extinction progressive des cierges qui plonge peu à peu le chœur dans l’obscurité. Mais on connaît moins les Répons qui suivaient ces Leçons dans l’Office grégorien. C’étaient pourtant des pièces de facture élaborée, aux formules originales et parfois très audacieuses, même si le style « répons » s’y trouve représenté de manière assez classique. Les moines chantaient ces Matines au milieu de la nuit, et la difficulté technique de ces Répons laisse imaginer qu’on n’en confiait l’exécution qu’à des chantres aguerris et en pleine possession de leur art.
Chaque Office était composé de trois Nocturnes, chacun comprenant trois Psaumes, trois Leçons ou lectures et trois Répons.
Liste des 27 Répons de l’ensemble du programme (3 x 3 x 3) :
Le version concert de ce programme inclut 9 Répons et 3 Lamentations (environ 1h).
2) Intérêt musicologique du travail
Si l’on considère le chant grégorien comme un chant traditionnel – et non seulement comme un chant médiéval – il est censé recevoir sa vocalité d’une tradition vivante. Or en Occident, cette tradition a connu de nombreuses et profondes mutations. Retrouver l’oralité des premiers manuscrits grégoriens (Xe s.) constitue donc un point de départ incontournable de la restauration du grégorien. A défaut, les reconstitutions de musiques anciennes restent très souvent prisonnières d’habitudes vocales très éloignées des pratiques observées dans les traditions orales. On sait combien la vocalité des chantres dans les traditions juives yéménites ou marocaines, par exemple, diffère de celle utilisée dans les répertoires baroques ou classiques d’Occident. L’approche des Chantres du Thoronet privilégie le rapport à ces traditions orales et tout ce qui ce qui se rapporte à la transmission par voie d’oralité.
Redécouverte du geste vocal : la ré-identification de ce geste constitue le premier élément de ce travail. C’est un geste vocal (et non des notes) qui a été consigné dans les premiers manuscrits grégoriens, dès la fin du IXe siècle. La diastématie (hauteur des notes) n’est apparue que plus tard, répondant à d’autres besoins. Beaucoup de neumes et d’indications trouvent leur explication en lien avec ce geste vocal.
L’ornementation est omniprésente dans tous les chants traditionnels. Il faut étendre l’ornementation à tous les procédés vocaux destinés à assurer la transition entre les différentes « notes ». Ces ornements sont constitutifs de la mélodie et découlent tout naturellement du geste vocal lui-même.
L’intonation non tempérée constitue un axe central de la recherche. Les gammes modales traditionnelles font toutes état d’échelles non tempérées, utilisant ce que l’on appelle des « micro intervalles ». L’intonation doit donc être rigoureuse et précise. Les couleurs modales, ainsi que les structures mélodiques elles-mêmes, sont tributaires de la qualité de cette intonation.
Le rapport au texte est au fondement même du chant grégorien. Replacé dans une perspective d’art rhétorique, le chant grégorien, tout comme son homologue grec-byzantin, requiert la parfaite maîtrise des rythmes prosodiques qui sous-tendent les mélodies grégoriennes.
3) Point de vue documentaire
Ce travail a toutes les raisons de déboucher sur une production discographique, ainsi que sur des programmations de concerts. Les Répons grégoriens des Ténèbres ne sont que très rarement produits en concerts ou en CD. Les disques déjà enregistrés par les Chantres du Thoronet, ainsi que leurs concerts, ont révélé un intérêt grandissant pour ce répertoire, tant de la part du public que de la part des
spécialistes.
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