Rencontre et partage des cultures
À l’origine de ce projet, il y a une rencontre : celle du CIMM avec l’association Cap Gély Figuerolles et les jeunes gitans de la Cité Gély de Montpellier, héritiers et passeurs de la tradition de la rumba catalane. L’ethnomusicologue Corinne Frayssinet Savy, spécialiste des cultures gitanes et de leurs expressions musicales, accompagne cette aventure.
Lorsque les musiques gitanes croisent les chants médiévaux – ceux des pèlerinages, des processions, des troubadours ou des dévotions collectives – s’ouvre un espace de partage où les traditions vivantes d’aujourd’hui répondent aux mémoires anciennes. Le CIMM, fidèle à sa vocation de lieu de dialogue entre arts et cultures, a ainsi convié les jeunes musiciens de Cap Gély Figuerolles, accompagnés par Solenzo du groupe Los Kemados Gipsy, à travailler aux côtés d’artistes médiévistes accueillis en résidence.
Les étudiants de l’ensemble-école de l’Université de Montpellier Paul-Valéry se joignent à ce travail collectif. Avec leurs voix, leurs instruments et leur créativité, ils viennent à la rencontre des musiciens gitans. Au cœur de ce projet : le désir de se découvrir mutuellement, d’apprendre les uns des autres, et de reconnaître dans deux univers musicaux que l’on croit éloignés, une même mémoire vivante.
L’attention à l’autre
Ce type de rencontre ne va pas de soi : il suppose une disponibilité, une écoute, un décentrement. Accueillir la culture de l’autre, c’est accepter d’être déplacé, bousculé parfois, pour ouvrir un espace commun où chacun trouve sa place. Dans cette aventure, la musique n’est pas un simple langage universel : elle devient l’outil concret de l’attention et de la reconnaissance.
Transmission orale
Dans ces échanges, l’oralité est le terrain partagé. Qu’il s’agisse des musiques gitanes ou des répertoires médiévaux, la mémoire se transmet avant tout par la voix, le corps, le geste, le récit.
Chez les musiciens gitans, l’oralité est le noyau de l’art : les histoires de familles, les émotions profondes, les savoirs ancestraux se perpétuent dans l’improvisation et la transmission directe. Dans les chants médiévaux, elle s’incarne dans les chansons de marche, les récits épiques, les chants de pèlerins et de troubadours, portés collectivement et inscrits dans le corps.
Depuis le début de cette aventure, nous avons voulu préserver cette dynamique. Les rencontres ont été enregistrées non pour fixer, mais pour garder mémoire des gestes, des voix, des instants où deux traditions orales inventent ensemble un espace commun.
Marche et célébration
Les cordes pincées du luth médiéval et celles de la guitare gitane résonnent comme des échos de peuples en marche : pèlerins médiévaux avançant vers les sanctuaires, voyageurs découvrant les transformations qu’impose la route, gitans d’hier et d’aujourd’hui inscrivant dans leurs chants l’expérience du chemin.
Marcher, c’est aller vers soi en allant vers l’autre. C’est accepter de se transformer par le voyage et la rencontre. Et au terme de la route, c’est la fête : la joie d’être réunis, la force révélée par l’expérience commune, et l’unité retrouvée dans le chant, la musique et la danse.
Une nouvelle histoire s’écrit ainsi cette année, à la croisée des mémoires médiévales et des traditions gitanes : une histoire où l’oralité devient un espace de rencontre, où la marche apprend le partage, et où la musique ouvre un horizon commun.
