Le CIMM : un laboratoire vivant de recherche-création, entre arts, sciences et société
Le CIMM, à travers l’ensemble de ses actions, entretient un lien fondamental avec la recherche académique et la recherche-création. Parce qu’il associe chercheurs, artistes et archéo-luthiers autour de l’étude et de la pratique d’objets communs, il participe au développement de la recherche participative et de la Science Avec et Pour la Société (SAPS) :
- en associant des chercheurs à ses actions de création et de formation, qu’il s’agisse des membres des équipes de recherche de l’université Paul-Valéry Montpellier 3, d’autres universités ou du CNRS ;
- en travaillant de façon prioritaire avec des artistes-chercheurs et des archéo-luthiers qui intègrent les processus de recherche et de recherche-création au sein leurs pratiques.
Ce déploiement engage une musicologie incarnée, pensée selon les trois dimensions de l’acte (l’éprouvé), du dialogue (le partage) et du partenariat (la collaboration). Cette approche renouvelle la musicologie universitaire en ouvrant des espaces de recherche-création et en reconnaissant les gestes, les corps, les lieux et les pratiques vivantes comme des milieux de savoir.
Le dynamisme du CIMM favorise la constitution d’une véritable communauté de recherche et de création, comme en témoignent le nombre croissant de doctorants et d’étudiants de master, mais aussi la participation active d’artistes, de luthiers et de publics.
Le CIMM, dispositif et laboratoire
Pensé d’emblée comme un laboratoire vivant, le CIMM est un dispositif au sens foucaldien : un agencement où institutions, discours et pratiques sont articulés pour produire du savoir et du pouvoir en synergie. Il propose d’autres modalités de travail que celles portées par les institutions où « l’interprétation historiquement informée » tend parfois à se figer en académie.
Ce laboratoire ne vise pas seulement à reproduire une esthétique donnée, mais à oser d’autres hypothèses musicales, en reconsidérant les composantes fondamentales du fait musical :
- la vocalité,
- la modalité,
- la notation/consignation,
- la spectacularité et la performativité.
Il prend appui sur des lieux spécifiques – Saint-Guilhem-le-Désert, Fontfroide, l’Université Paul-Valéry, la Cité des Arts – conçus comme des milieux de savoir situés, où l’espace acoustique et la communauté participent à la production de connaissance.
Sources, archives et mémoire vivante
L’originalité du CIMM est de travailler à la fois sur les sources écrites et les archives, et à leurs côtés sur la mémoire, le corps, les gestes et les pratiques orales et artisanales. Ainsi, le manuscrit dialoguant avec la voix, le geste artisanal rejoignant la facture instrumentale, deviennent autant de vecteurs de connaissance.
Les pratiques de chant, de lutherie et de transmission orale ne sont pas reléguées à de simples compléments de l’archive : elles sont reconnues comme des formes de savoir à part entière, participant de la construction d’une histoire incarnée des musiques médiévales.
Recherche-création et justice épistémique
La recherche-création que développe le CIMM va au-delà de la simple articulation entre projet de création et recherche académique : elle se déploie à une échelle collective, partenariale et intersectorielle.
Elle articule :
- pratique et théorie,
- partage de savoirs et de savoir-faire,
- création de communautés de chercheurs,
- coproduction d’œuvres et de savoirs.
En reconnaissant les chanteurs, instrumentistes et artisans comme co-chercheurs, le CIMM répond à ce que Miranda Fricker nomme l’injustice épistémique : la non-reconnaissance institutionnelle des savoirs oraux, corporels et artisanaux. Il redistribue ainsi la légitimité, fait du dialogue entre pratiques et théories un principe structurant et inscrit la musicologie médiévale dans une dynamique de patrimoine vivant (UNESCO).
Les formats mis en œuvre – festivals, concerts, cycles de formation, journées d’étude, salons de lutherie, films documentaires, actions d’éducation artistique et culturelle – fonctionnent comme des institutions du commun, ouvertes à tous les publics, et contribuent à démocratiser la production savante.
Dimension critique et politique
Dans un contexte de marchandisation culturelle et de massification universitaire, le CIMM assume une fonction critique. Il refuse la spectacularisation et la muséification des musiques anciennes pour défendre une écologie du vivant, où musique, lieux, gestes et communautés sont indissociables.
En tant que tiers-lieu universitaire et culturel, il reformule la politique des savoirs :
- il intègre recherche, création et formation,
- il met en œuvre les droits culturels et les communs,
- il redonne à la musicologie médiévale son caractère vivant, transdisciplinaire et démocratique.
Un modèle transférable
Grâce à son partenariat avec l’Université, le CIMM constitue un exemple concret de dialogue Arts-Science-Société et propose un modèle institutionnel et épistémique transférable. La synergie qu’il développe – entre université, écoles, conservatoires, lieux patrimoniaux et collectivités ; entre recherche, formation, création et médiation ; entre sources écrites, mémoires orales et savoir-faire artisanaux – peut inspirer d’autres territoires et disciplines.
En ce sens, le CIMM invente un prototype pour repenser la place de la recherche-création dans l’université et les politiques culturelles, en instituant des communs savants ouverts et démocratiques.