Brice Duisit et Cristina Alis Raurich accompagnés d’Isabelle Fabre
Gautier de Coincy (1177-1236) est une figure majeure de la poésie et de la musique médiévale. Moine bénédictin et trouvère, il s’inscrit dans la tradition du contrafactum, adaptant des mélodies profanes à un lyrisme religieux dédié à la Vierge Marie. Mais ce qui distingue son oeuvre, ce n’est pas tant l’innovation mélodique que la richesse de son langage poétique. En jouant sur l’ambiguïté du vocabulaire amoureux et en exploitant la musicalité des rimes et des assonances, il élève la poésie dévotionnelle au rang d’un art d’une virtuosité rare.
Notre projet, accompagné par Isabelle Fabre, s’attache à revitaliser certaines des vingt-deux pièces que Gautier de Coincy consacre à la Vierge. Pour autant, l’enjeu principal ne réside pas tant dans la restitution des mélodies – ancrées dans les schémas traditionnels de la chanson de trouvère – que dans l’interprétation d’un texte d’une richesse sonore exceptionnelle. La véritable difficulté est de restituer l’énergie rythmique et le jeu subtil des sonorités qui font tout le sel de cette poésie. Les enjeux de l’interprétation sont directement liés à la capacité du musicien à faire vivre une poésie dont les ressors reposent sur un texte riche en rimes et assonances qui provoquent un jeu rythmique en une farandole de sons et de sens.
C’est donc avant tout un profond travail linguistique qui s’impose et qui permettra de faire « sonner » les mots, de rendre audible les rimes cachées et de dégager le rythme des groupes lexicaux avec lequel le poète s’amuse pour révéler le feu d’artifice de jeux de mots et de sens qui truffent ces chants. Plus qu’un simple projet d’interprétation musicale, cette résidence vise à redécouvrir la poésie lyrique médiévale en tant que processus de composition à part entière, où le texte et la mélodie s’entrelacent dans une dynamique indissociable.
Avec le soutien de la ville de Montpellier dans le cadre du programme « Impulsions », Résidence de recherches et de création artistique en spectacles vivants et arts associés.
29 septembre-2 octobre et 16-18 novembre 2025
Brice Duisit : Voix, vièle à archet, luth
Cristina Alis Raurich : Organetto
Isabelle Fabre : Professeure de langues et littérature médiévales
Biographies
Cristina Alís Raurich
Elle est interprète et musicologue, l’une des grandes spécialistes internationales de l’organetto, l’orgue portatif médiéval. Alliant savoir historique, virtuosité technique et capacité à toucher le public, elle occupe une place unique dans le monde de la musique ancienne. Formée au piano à Barcelone et à La Haye, elle obtient un master en interprétation pianistique avant de se consacrer à la musique médiévale à la Schola Cantorum Basiliensis, où elle décroche en 2013 un master en claviers médiévaux. En 2024, elle soutient une thèse en musicologie à l’Université de Würzburg sur l’ornementation du plain-chant.
Cristina est reconnue pour son travail pionnier sur l’organetto. Avec le facteur d’orgues Walter Chinaglia, elle a contribué à la reconstruction d’un modèle unique du XIIIe siècle, documenté dans le court-métrage El viento en las manos. Son répertoire s’étend de la musique médiévale aux créations contemporaines.
Directrice de l’Ensemble Merveill, elle collabore aussi avec La Douce Semblance, Diskantores, Vetera ou Ipsum Femina, et forme un duo avec Brice Duisit. Elle se produit dans de nombreux festivals en Europe et en Amérique du Nord, enregistre, et crée des spectacles mêlant musique et théâtre (Le Chant de Merlin, Le Livre de Marguerite). Depuis 2021, elle assure la direction artistique du festival Mirabilia à la Cathédrale de Cuenca. Chercheuse et pédagogue, elle participe au projet européen REPERTORIUM, publie sur la musique carolingienne et enseigne au CIMM à Montpellier, tout en donnant ateliers et masterclasses dans toute l’Europe.
Isabelle Fabre

Je suis professeure de langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université Paris- Nanterre, auteure d’une thèse intitulée « La doctrine
du Chant du cœur de Jean Gerson » (Droz, 2005) et plus récemment d’une monographie sur « L’allégorie du jardin spirituel à la fin du Moyen Âge » (Champion, 2019).
Je travaille plus particulièrement sur la littérature religieuse et dévotionnelle, ainsi que sur les relations entre poésie et musique à la charnière entre Moyen Âge et Renaissance.
Mes auteurs de prédilection sont Jean Gerson, René d’Anjou, Jean Thenaud, Marcantonio Flaminio et l’anonyme « Maître de chant » du recueil de Chypre (Turin, BNU J.II.9 : édition critique des pièces françaises en préparation).
Brice Duisit
Luthiste de formation, Brice Duisit étudie au Conservatoire de Pau puis se perfectionne au CNSMD de Lyon en paléographie musicale et contrepoint médiéval. Son intérêt pour les XIIe et XIIIe siècles l’oriente vers la poésie lyrique et la vièle à archet. Il mène une recherche sur les premières poésies en langues romanes, développant une interprétation fondée sur le rapport du texte à la musique et de la voix à l’instrument. Cette démarche aboutit en 2002 à un disque de référence consacré à Guillaume IX d’Aquitaine.
Parallèlement à une carrière artistique marquée par des concerts et des enregistrements salués par la presse spécialisée, il consacre une part importante à l’enseignement et à la recherche. Conférencier invité dans divers colloques internationaux, il poursuit ses investigations sur la poésie lyrique du XIe au XIVe siècle, proposant des pistes novatrices d’interprétation.
Depuis 2018, il enseigne au CIMM et à l’Université de Montpellier Paul-Valéry, auprès des étudiants en musicologie et du master Recherche, pratique et création en musiques médiévales. Membre du CEMM (EA 4583), il centre ses travaux sur le lien structurel entre langue poétique (latin, occitan, galicien, français) et musique, ainsi que sur la réception des manuscrits et la compréhension des notations médiévales.
