3 septembre 2024

Les Chantres du Thoronet – Répons des ténèbres

dir. Damien Poisblaud

On connaît les Leçons de Ténèbres de Charpentier, de Chabert ou de Couperin par exemple. Ces leçons – connues aussi sous le nom de Lamentations de Jérémie – sont issues de l’Office des Matines des trois jours saints (Jeudi, Vendredi et Samedi), Matines appelées Ténèbres en raison de l’extinction progressive des cierges qui plonge peu à peu le choeur dans l’obscurité. Mais on connaît moins les Répons qui suivaient ces Leçons dans l’Office grégorien. C’étaient pourtant des pièces de facture élaborée, aux formules originales et parfois très audacieuses, même si le style « répons » s’y trouve représenté de manière assez classique. Les moines chantaient ces Matines au milieu de la nuit, et la difficulté technique de ces Répons laisse imaginer qu’on n’en confiait l’exécution qu’à des chantres aguerris et en pleine possession de leur art.

Chaque office était composé de trois Nocturnes, chacun comprenant trois Psaumes, trois Leçons ou lectures et trois Répons. La version concert de ce programme inclut 9 Répons et 3 Lamentations (environ 1h20).

Si l’on considère le chant grégorien comme un chant traditionnel – et non seulement comme un chant médiéval – il est censé recevoir sa vocalité d’une tradition vivante. Or, cette tradition a, en Occident, connu de nombreuses et profondes mutations dès le XIe siècle.
Retrouver l’oralité des premiers manuscrits grégoriens (Xe s.) constitue donc un point de départ incontournable de la restauration du grégorien. A défaut, les reconstitutions de musiques anciennes restent très souvent prisonnières d’habitudes vocales très éloignées des pratiques observées dans les traditions orales. L’approche des Chantres du Thoronet privilégie le rapport à ces traditions orales et tout ce qui se rapporte à la transmission par voie d’oralité. Le travail entrepris au cours de la résidence de 2023 (Office du Vendredi Saint) a permis une avancée significative dans la recherche d’une exécution authentique. L’ensemble souhaite poursuivre ce travail (Jeudi et Samedi Saints).

Redécouverte du geste vocal. C’est un événement sonore qui a été consigné dans les premiers manuscrits grégoriens, dès la fin du IXe siècle. La diastématie (hauteur des notes) n’est apparue que plus tard, impliquant par ailleurs l’équivalence des tétracordes (tempéraments). Les neumes et les indications des manuscrits anciens trouvent leur explication dans leur rapport au geste vocal.
L’ornementation est omniprésente dans tous les chants traditionnels. Il faut étendre l’ornementation à tous les procédés vocaux destinés à assurer la transition entre les différentes « notes ». Ces ornements sont constitutifs de la mélodie et découlent tout naturellement du geste vocal lui-même.
L’intonation non tempérée. Les gammes modales traditionnelles font toutes état d’échelles non tempérées, utilisant ce que l’on appelle parfois des « micro intervalles ». L’intonation doit donc être rigoureuse et précise. Les couleurs modales ainsi que les structures mélodiques elles-mêmes découlent de la qualité de cette intonation.
Le rapport au texte est au fondement même du chant grégorien. Replacé dans une perspective d’art rhétorique, le chant grégorien, tout comme son homologue grec-byzantin requiert la parfaite maîtrise des rythmes prosodiques qui sous-tendent les mélodies grégoriennes.

D’un point de vue documentaire, les Répons grégoriens des Ténèbres ne sont que très rarement produits en concerts ou au disque. Les CD déjà enregistrés par les Chantres du Thoronet ainsi que leurs concerts ont révélé un intérêt grandissant pour ce répertoire, tant de la part du public que de la part des spécialistes.

  • Denis Cardinaux
  • Jean Delobel
  • Lionel Desmeules
  • Geoffroy Dudouit
  • François Nolle
  • Damien Poisblaud
  • Frédéric Richard
  • Patrick Sabatier
  • Nicolas Vinçotte