19 juillet 2022

Luth

Luth Xe siècle

L’histoire des styles : luth en peau et luth en bois

Le luth, instrument à manche et à cordes pincées, est joué durant toute la période du Moyen Âge. Nous connaissons surtout le luth à cordes doubles, construit en côtes assemblées, au cheviller brisé vers l’arrière et majoritairement muni d’une table d’harmonie en bois. Ce luth est introduit au cours du XIIIe siècle par les musiciens d’Al-Andalus, territoires de la péninsule Ibérique qui furent sous domination musulmane entre le VIIIe et le XVe siècle. Le luth de facture monoxyle (creusé dans une pièce de bois massive) et muni de trois cordes en boyaux est plus ancien. Utilisés pendant la période carolingienne et romane, des représentations iconographiques permettent d’attester que certains de ces luths étaient en peau. En observant les enluminures et peintures médiévales du Xe et XIe siècle, l’absence d’ouïes, ouverture pratiquée sur la table d’harmonie, nous invite à en conclure que celle-ci est certainement faite en peau.

La source iconographique

C’est le manuscrit réalisé au Xe siècle et conservé à New York (Morgan Library, MS m.644, f. 86v), qui  est la source de la réalisation de ce luth. Il s’agit de l’un des exemplaires du Commentaire de l’Apocalypse de Beatus de Liébana rédigé au VIIIe siècle par le moine, théologien et abbé, Léonais Beato au monastère de Santo Toribio de Liébana. L’enluminure représente les 24 vieillards de l’Apocalypse, dont le récit les fait porter dans une main un flacon de parfum et dans l’autre un instrument à cordes.

D’une copie à l’autre, les enluminures se sont sensiblement transformées. Ainsi, dans les manuscrits réalisés avant l’an mille et pour certains du début du XIe siècle, les instruments à cordes représentés s’apparentent à des luths à trois cordes, alors que ceux des copies postérieures du manuscrit s’apparentent davantage à des vièles. Les distinctions entre les enluminures au sujet de ces instruments, témoignent des influences culturelles dans un contexte suivant de près les invasions dites « barbares » du haut Moyen Âge. En effet, ces luths en peau et à trois cordes se rapprochent fortement des instruments de musique issus de la culture Berbère du Maroc, instruments encore joués aujourd’hui. Plus généralement, ces luths que l’on qualifie de mozarabes, sont des preuves d’échanges et d’appropriations culturelles au-delà des conflits politico-religieux très présents au Moyen Âge. 

Quelques indications sur la facture de l’instrument

Le corps et le manche monoxyle de l’instrument ont été creusés dans une pièce de bois de tilleul teinté. Sur le modèle des luths de style mozarabe, la table d’harmonie est en peau de chèvre, et collée à la caisse du luth.

© Olivier Féraud

Trois cordes en boyaux sont maintenues en suspension sur la table d’harmonie grâce au chevalet en buis, et tendues par les trois chevilles sculptées dans du bois de citronnier. Le bouton, qui permet de positionner l’instrument à la verticale, est en os.