Vièles romanes, type « Moissac »
2 vièles à 5 cordes
1 vièle à 2 cordes
1 vièle à 1 corde
Pour la création de la Cansò de santa Fides par le chanteur et viéliste Brice Duisit, le CIMM a choisi de faire construire une vièle romane, de facture contemporaine de la chanson de geste occitane et conforme à l’iconographie du début du XIIe siècle.
Olivier Féraud, luthier et archéo-luthier à Lyon, a été sollicité pour réaliser cet instrument en collaboration avec Brice Duisit. Ils ont choisi pour modèle l’une des vièles à 5 cordes représentées sur le tympan de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac, daté de 1130.
Sur ce tympan, sont sculptés les 24 vieillards de l’Apocalypse qui, dans la typologie médiévale, figurent les 12 prophètes et les 12 apôtres, symboles de l’ancienne et de la nouvelle Alliances :
Ap 4, 4 et super thronos viginti quatuor seniores sedentes, circumamicti vestimentis albis, et in capitibus eorum coronae aureae. […]
Autour du trône étaient vingt-quatre trônes, et sur ces trônes vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, avec des couronnes d’or sur leurs têtes. […]
Ap 5, 8 […] viginti quatuor seniores ceciderunt coram Agno, habentes singuli citharas, et phialas aureas plenas odoramentorum, quae sunt orationes sanctorum.
[…] les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau, tenant chacun une cithare et des coupes d’or pleines de parfums, qui sont les prières des saints.
À Moissac, tous tiennent dans une main un flacon d’encens et dans l’autre une vièle à archet. Trois types de vièles y sont représentés : à 5 cordes, 2 cordes et 1 corde.
Chacun de ces types a été restitué en 2018 par Olivier Féraud et 4 stagiaires (Ève Laurent-Martin, Noé de Carnas, Clément Frouin et Luc Gaugler) dans le cadre d’un atelier ouvert. Ces instruments sont depuis prêtés aux étudiants du CIMM.
Vièle XIVe dite « Gauthier de Coincy » :
Construite par Olivier Féraud, elle a été mise au point en collaboration avec Brice Duisit pour un programme de musique de cour du XIVe siècle (Jehan de Lescurel, Roman de Fauvel, Guilllaume de Machaut). Il s’agissait de proposer une vièle caractérisée par les évolutions structurelles que l’instrument a connues au XIVe siècle dans le milieu de la musique savante et courtoise de la France de Guillaume de Machaut. Si les différents aspects techniques et esthétiques pouvant inscrire l’instrument dans son époque et son milieu culturel sont des tâches propres au luthier, ce projet a mis l’accent sur la collaboration entre le musicien et le luthier pour ce qui touche à la musicalité, la sonorité et l’ergonomie.
La vièle a été restituée d’après la miniature illustrant le Miracle du jongleur à la chandelle copié dans le manuscrit des Miracles de Notre-Dame de Gauthier de Coincy, Paris, BnF, naf 24541, f. 175 (1328-1332) : « Du cyerge qui decendi sus la viele au Vieleur devant l’ymage Nostre Dame ». La décoration du manuscrit a été attribuée à Jean Pucelle (déc. 1334), artiste dont le nom est cité au nombre des enlumineurs parisiens à partir de 1320. On lui doit notamment la décoration du Bréviaire de Belleville (BnF, ms. lat. 10483-10484), de la Bible de Robert de Billyng (BnF, ms. lat. 11935) et du Livre d’Heures de Jeanne d’Evreux (New York, Cloister Museum, Acc. 54. 1. 2).
Le manuscrit, richement décoré, a été sans doute exécuté pour la reine Jeanne de Bourgogne, représentée en prière aux folios 232v, 235v, 238v, 241, 242 et 243v. Il s’agit de l’une des dernières œuvres de l’artiste qui décéda en 1334.
Illustrant 66 miracles de la Vierge, le cycle iconographique fait défiler devant nos yeux des personnages appartenant à toutes les classes de la société. Ses représentations d’architecture intérieure et extérieure reflètent l’influence italienne que l’artiste retira d’un voyage dans la Péninsule.
Selon François Avril, « l’exécution un peu pâteuse de certaines scènes, les tonalités sombres et riches, rehaussées par endroits de vifs accents de lumière, sont un aspect nouveau de l’art de Pucelle. »
https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc78531p
Avril, François, L’enluminure à la cour de France au XIVe siècle, Paris, 1978.
Les fastes du gothique. Le siècle de Charles V, Paris, éd. de la Réunion des musées nationaux, 1981.
Quelques indications sur la facture
Vièle romane à 5 cordes de Brice Duisit :
Corps tilleul, table pin, chevilles et cordier poirier, sculptures, archet d’après iconographie romane. Comme sur l’iconographie, la dimension de l’instrument est proportionnelle à la palme du musicien.
Vièle XIVe dite « Gauthier de Coincy » :
2 chœurs doubles plus un bourdon ; manche suffisamment large et sillet à plusieurs encoches permettant de placer les 5 cordes sur manche ; caisse échancrée ; 2 chevalets interchangeables : l’un plus arrondi que l’autre pour un jeu plus monodique dans un cadre polyphonique ; corps en bois léger type tilleul ; table épicéa ; ornements sculptés de style gothique sur cordier et cheviller.
Un mot du luthier
« Mon atelier est consacré à la fabrication des instruments à cordes anciens, spécialement les instruments du Moyen Âge. Toutes les familles de cordophones sont abordées : cordes frottées, cordes pincées et cordes frappées. Depuis plus de 20 ans, je me consacre à la restitution d’instruments de musique disparus dans une démarche globale qui, allant du prototype à l’expérimentation musicale, mêle la fabrication et la recherche. Mon site présente quelques-unes de mes réalisations récentes.
Chaque instrument est réalisé sur mesure selon les souhaits du musicien, dans des bois européens coupés et séchés par mes soins. De l’arbre à la corde de boyau, la méthode de fabrication respecte les procédés historiques. Elle s’appuie sur un savoir approfondi des connaissances musicologiques et archéologiques actuelles, ainsi que sur un travail de recherche personnel. »